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Sous les apparences,
24 juin 2009

le coup de foudre 2

Lorsqu'il atteignit enfin la barrière, les premières gouttes claquèrent sur le capot et le pare brise ! Le vent était d'une violence impressionnante ! Il prit le chemin du bois pour rejoindre quelques dizaines de mètres plus loin la sente qui menait à la bergerie ! La pluie s'abattait de plus en plus fort . Déjà l'emplacement des passages de roues s'étaient transformés en ruisseaux torrentiels ! Encore un virage, il virerait à gauche, la bergerie serait à quelques secondes ! Il y voyait de moins en moins à travers son pare brise que le lent balai d' essuie glace ne parvenait pas à dégager assez rapidement ! La pluie l' aspergeait, entrant par l'emplacement des portes qu'il avait ôté pour lutter contre la chaleur de l'après midi !

Mais il avait la tête ailleurs ! Il ne prit pas la sente et continua son chemin. Il défiait la pluie et l'orage. Une seule chose le préoccupait maintenant : Il l'avait vue tourner en bas, elle ne pouvait pas être déjà passée ! Elle devait être quelque part le long du chemin, à moins qu'elle n'ait fait demi tour ? Mais cela lui semblait improbable. L'orage était arrivé trop vite pour qu'elle ait pu trouver un refuge. Il devait faire quelque chose. Au moins s'assurer qui ne lui soit rien arrivé... Il sentait son cœur battre de plus en plus fort, il était maintenant trempé, le tonnerre grondait, il aurait été plus raisonnable d 'aller rechercher un abri à la bergerie mais il continuait, espérant secrètement...

Au détour du virage suivant, il l'aperçut... Elle avait posé son VTT contre un arbre, quitté son casque et tentait désespérément, sans y parvenir à cause du vent, d'enfiler un imperméable. Brutalement, il se sentit soulagé ! Il ne sentait plus ni pluie, ni vent. Son cœur battait la chamade ! Il allait pouvoir enfin l'aborder ! C'est cela qu'il avait l'impression de n'avoir jamais su faire avec les femmes. Il était toujours décontenancé par ces hommes qui se jettent à corps perdus en tentant systématiquement leur chance auprès de toute rencontre féminine ! Ces phrases envoyées , quasi à la volée, lui paraissaient plates, voir niaises. Jamais il n'avait osé. De toute façon, dans sa campagne, les occasions de rencontre étaient tellement faibles qu'il aurait eu l'impression de gâcher inutilement ses cartouches. Tout le monde a un avis sur tous.

Oser !

Souvent, il repensait à ce voyage à Paris, pour aller « au salon » de l'agriculture... Au sortir de la gare, il avait pris le métro. Il avait été surpris par toutes ces personnes, entassées et secouées, qui se réfugiaient pour la plupart dans la lecture, des oreillettes de baladeurs vissées aux oreilles. Comment pouvait on s'isoler de la sorte au milieu d'une foule ? Cette indifférence à l'autre l'avait déconcerté. Il avait passé le temps de son voyage sous terre à scruter un à un les individus du wagon, admirant le goût des toilettes des jeunes femmes qui les mettaient particulièrement en valeur ! Mais pour qui ? Puisqu'elles semblaient retirées dans leur monde , absorbées par leur lecture ou les yeux rivés sur le plafond comme si leur esprit était resté arrimé à la couche d'une folle nuit ! Il était subjugué par le nombre. Beaucoup plus qu'il ne pourrait en croiser en une année dans sa campagne. Il était frustré de ne trouver qu'une indifférence qui le renvoyait inéluctablement à sa solitude ! Il se sentait en dehors de ce monde, comme un fantôme. Il était déconcerté par la promptitude des gens à se lever, à fuir en s'engouffrant dans les bouches des stations au pas de course. Aborder une femme lui semblait impossible d'autant... D'autant qu' il faisait un vrai complexe vis à vis de sa profession. Ses lectures, les images de publicité à la télévision, les débats de société le déstabilisaient complètement... Il avait l'impression d'appartenir à une caste d'arriérés avec béret sur la tête et sabots aux pieds, avides d'argent, prêt à détruire l'univers pour quelques gains immédiats. Il n'arrivait pas à comprendre comment un tel fossé avait pu se creuser entre tous ces gens qui vivaient dans un milieu artificiel, bien loin d'une vie saine et équilibrée, et ce qu'il vivait ? Si proche de la nature qu'il en connaissait chaque exigence et s'extasiait quotidiennement de tant de beauté ! C'était un bien précieux qui lui avait été confié. Il s'était définitivement convaincu que tout le monde était ligué contre sa profession et qu'aucune femme ne pourrait être séduite avec un tel à priori ! Alors il restait enfermé dans sa coquille lui aussi, sans MP3 dans la poche. Ce complexe le rendait transparent... Il n'osait pas !

Mais là, dans l'adversité climatique, il en allait brutalement tout à fait différemment. Il était chez lui, sur cette terre qu'il connaissait si bien et qu'il choyait. En un instant, il fut près d'elle ! Le bruit des éléments couvrait les voix, il lui fit signe de monter sur le tracteur ! Elle n'hésita pas, prit la main qu'il lui tendait et se hissa dans la cabine exiguë. Cette main, il aurait voulu la garder indéfiniment dans la sienne ! Elle lui paraissait si menue, si douce ! Mais il avait besoin de la sienne pour manœuvrer son engin et dut donc la lâcher avec regret ! Déjà, ce premier contact , si bref , l'avait tellement troublé, qu'en embrayant en marche arrière , il cala ! En d'autres circonstances, il aurait pesté contre lui-même, sa maladresse, devant une femme de plus. Mais la secousse engendrée par la fausse manœuvre avait créé une situation inédite : Surprise, ne sachant où trouver une prise pour se retenir de tomber, elle avait saisi avec force son avant bras gauche qui tenait le volant ! De l'autre main, elle s'accrochait au dossier du siège! Il sentait son bras dans son dos ! Elle baissa les yeux vers lui. Ses yeux étaient plus bleus et clairs qu'il ne les avait aperçu derrière les lunettes ces derniers jours ! Il n'y avait ni crainte, ni reproche ! Elle semblait s'en remettre complètement à lui ! Il esquissa un sourire qu'elle lui rendit ! Il vivait un moment qu'il n'avait jamais connu, plus beau que le plus beau de ses rêves. Dans ce regard échangé, elle lui avait signifié qu' il était celui qui savait ce qu'il convenait de faire, à qui elle s'en remettait. Ce n'était pas une allégeance, mieux , c'était une reconnaissance. Il se rendit compte qu'elle n'était pas protégée de la pluie qui lui battait le dos. Il fallait agir; il redémarra son tracteur, passa la marche arrière et remonta le chemin jusqu' à la sente!

Il n'y a pas beaucoup de place sur un tracteur entre le montant de la porte et le siège... Elle se tenait comme elle pouvait, à moitié debout, moitié assise sur l'aile! Elle n'avait pas lâché ses prises et continuait de s'agripper à son avant bras, suivant les mouvements que faisait celui-ci en tournant le volant ! Ses vêtements trempés lui collaient à la peau mettant en avant ses formes féminines si douces. Sous le tee shirt, il devinait un soutien gorge blanc. Quand il tournait la tête il était au niveau de son buste, à quelques centimètres de sa poitrine qui lui semblait pas énorme mais parfaite. Il n'aimait pas les femmes qui exhibent de grosses poitrines ! Pour lui, la beauté féminine était certes affaire d'équilibre physique mais surtout de bien être intérieur. Une femme lui paraissait d'autant plus belle qu'elle paraissait bien dans sa peau. Il ne savait comment le définir, autrement que par « grâce » sans toutefois bien savoir quels mots mettre derrière. Il sentait son odeur, mélange d'un reste de parfum, de transpiration et de pluie... Elle l'enivrait, il fallait qu'il tourne la tête, à l'opposé, vers l'arrière pour guider son tracteur mais il avait besoin de revenir se replonger dans cette effluve, comme s'il avait besoin de se rassurer de sa présence.

Enfin, il put reprendre la marche avant sur la sente. Un chaos la fit tomber sur lui. Pour la première fois les deux corps se touchaient vraiment. Une onde électrique le parcouru, indéfinissable ! Imperceptiblement, non seulement il ne se retira pas mais il se laissa volontairement pencher du côté de la belle. Enfin, ils arrivaient devant la bergerie. Il sortit la gabardine qu'il emmenait toujours avec lui et lui en couvrit les épaules. Il lui reprit la main et l'aida à descendre ! Elle franchit en un instant les deux mètres qui la séparait de l'abri. Il sauta et la rejoignit.

La bergerie était en fait un petit hangar fermé sur trois côtés ! Dans un coin , il y avait un reste de paille, le reste de l'espace était libre ! La cabine du tracteur ne passait pas sous le toit. En temps normal, il aurait reculé la presse à l'abri et stoppé le tracteur au ras du bâtiment pour mettre les éléments électriques et informatiques des engins à l'abri. Mais tout ceci lui semblait complètement secondaire. Il se surprenait lui même de ce détachement. Il venait de vivre le moment le plus intense de sa vie ! Il y avait tout au plus trois ou quatre minutes qu'il était sorti de son champ. Un instant à l'échelle d'une vie... Déjà, cela lui semblait appartenir au passé puisqu'il n' avait plus de contact physique avec elle. Se rapprocher d'elle comme cela lui paraissait profiter de la situation. Le bruit de l'orage était de plus en plus assourdissant. Il percevait de plus en plus nettement un roulement impressionnant ! Il savait ce que cela voulait dire, mais il ne pouvait parler! Il jeta un coup d'œil inquiet à la couleur des nuages, puis au toit couvert de vieilles tuiles, résisteraient elles ? Au tracteur enfin qui n'avait pas de portes, donc qui ne pouvait pas constituer un abri. Elle avait perçu son inquiétude et les regards se croisèrent à nouveau. Ils firent un pas l'un vers l'autre. Il n'aurait pas su dire lequel l'avait fait le premier. Leur corps se parlaient sans qu'ils échangent le moindre mot . Ce n'était pas par instinct comme chez les animaux, c'était beaucoup plus fort que cela, l'émotion à l'état pur !

Au même instant, un éclair toucha un arbre à moins de cinquante mètres ! Il eut le temps d'entendre le sifflement si caractéristique de l'arc électrique lorsqu'il est très très près et le son de l'onde choc qui suit un millième de seconde après ! Il la prit dans ses bras. Il la sentit se blottir si fort qu'il eut l'impression qu'une sorte de courant traversait en les soudant leurs deux corps. A nouveau , ils étaient réunis. Mais il ne pouvait profiter de la situation, une autre urgence l'obligeait à faire face ! Le roulement entendu était maintenant sur eux, les premiers glaçons commencèrent à tomber, un, puis deux, puis une multitude! Le vent violent les rabattait, ils ricochaient au sol et terminaient leur course sous l'auvent. L'abri n'en était plus un. Sans réfléchir , il la porta vers la paille et le reste du rouleau. Elle ne résista pas, se laissa complètement guider ! Les grêlons cinglaient maintenant sous la bergerie, aussi gros que des œufs de cailles ! Il la sentit réagir au pincement de l'un d'eux, sans doute sur son mollet ! Il la déposa délicatement dans la paille , entre le mur et le reste de la botte! Recroquevillés, elle se serra contre lui. Il sentit son souffle sur sa poitrine, il baissa lentement son regard sur les mèches blondes collées par la pluie. Elle releva la tête, le dévisagea. Leurs visages se retrouvèrent à quelques centimètres l'un de l'autre ! Leurs lèvres s'effleurèrent lentement puis se touchèrent pour un long baiser ! Il se laissa aller complètement, insensible aux éléments extérieurs ! Ils avaient changé de monde, transcendés ! Leur mains découvraient lentement, en caresses tendres, le corps de l'autre. Sans appréhension, comme si elles avaient été toujours su qu'un jour elles trouveraient là,  les formes parfaites même les plus intimes !

Il ne se sentait plus gauche, il n'avait plus de complexes. Il savait ce qu'il devait faire bien qu'il n'ait jamais eu d'expériences vraiment concluantes! Il jouait la symphonie de l'Amour, avec ses changements de rythmes, ses éclats de cuivre ou de cordes, sans qu'aucune note ne soit écrite ! Cette partition qui est inscrite au fond de chaque femme et de chaque homme et qu'une clé unique dévoile ! L'unisson des corps était telle qu'il n'aurait su dire lequel menait la danse. Elle le guidait d'une caresse, d'un tremblement ou d'un soupir tout en le laissant essayer mille combinaisons. Il était tout à l'écoute de ce corps qu'il découvrait, oubliant le sien, tout tendu vers son plaisir à elle ! Elle le faisait exister. Comme une fleuriste met une dernière fleur au centre d'une composition, celle dont la couleur donnera l'éclat unique du bouquet, il avait trouvé la femme qui donnerait l'éclat manquant à sa vie...

Un nouveau coup de tonnerre fit trembler les murs ! Il se réveilla. Il était dans son lit, dans sa chambre. Seul ! Tout ceci n'était donc qu'un rêve ! Un rêve, juste un rêve ! Il se mit à pleurer . Longtemps après, alors que l'orage s'était éloigné, il sombra à nouveau dans les bras de Morphée !

Le radio réveil le réveilla comme chaque matin à 6 h 28, juste pour les prévisions météo, le tirant d'un sommeil profond. Le journaliste annonçait la fin de la période orageuse et le retour de l'anticyclone pour une semaine au moins... Dès ce matin, il irait faucher les parcelles « du haut » et pendant toute la semaine , le soir, pour rentrer, il prendrait le chemin du bois...

Au moins un quart des éleveurs de mon département sont célibataires, sans compagnes !

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Commentaires
V
Naaaan mais moi contrairement à DRINE, c'est juste momentané !!!!!!
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P
Fred : en total contradiction même... sourire<br /> Marie; L'origine de ce billet vient d'une réflexion de PH fils scandalisé par l'émission en question !<br /> Val : Bien noté ! sourire... Je vais réécrire cette partie ! En fait, je voulais faire plus hot mais Mme Ph m'en a dissuadé à juste titre ! Du coup, je me suis arrêté en cours de route ! <br /> Madeleine : Merci ! En fait je cherche une façon de poser "humainement" un vrai " problème pour ma profession ! <br /> Drine ! C'est bien les fans ! sourire et merci pour tout, aucune chance ???? <br /> Jéolianne : Pour obtenir un beau final, il faut des mouvements différents ! sourire<br /> Dany : Imaginée seulement ( dommage pour la partie orage ?) sourire<br /> Un énorme merci à RDT qui a posé la bonne question: C'était un peu un test pour essayer de voir si on peut poser un problème important sous un jour plus romantique, sans statistiques...Du coup , je ne sais plus !
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J
Je trouve aussi ce texte empreint d'une émotion intense. Le passage sur la partition de musique des corps waouh! Encore bravo!
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D
Non Madeleine PH nous connait aussi pour ces commentaies ... il sait a quel nous sommes admiratifs de son ecriture de sa plume magnifique .. lui seul n'en a pas conscience ....<br /> <br /> ceci dit .... VAL ON REMBALLE on a aucune chance ... laisse la porte ouverte !! ;)<br /> <br /> PH c'etait tout simplement superbe .. j'ai adoré et devoré ce texte !!!
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M
Dommage les premiers commentaires que je lis juste après ce très beau texte, cassent l'émotion ressentie !<br /> <br /> Bravo PH ! En plus d'être un paysan respectueux, responsable, honnête, ... tu es également un homme de coeur.
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Sous les apparences,
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