Un coup d'mou...
Je ne l'ai pas senti arriver... C'est pernicieux... J'avais bien relevé la tête depuis une semaine... Encore hier matin, ça allait, puis hier midi je suis passée voir mon père, pour la dernière fois dans ce service et ça m'a fichu un coup. Pourtant, ça allait mieux, je ne pleurais plus, j'avançais, presque résignée... me préparant à vivre avec ce crabe dans le corps de mon père, on ne sait où. J'avais même réussi à évacuer la violence d'un sms reçu "c'est donc une question de jours ou de semaines avant qu'il ne meure" en répondant fermement et sans détour !
Mais à 13H30, lorsque je suis rentrée à l'EHPAD pour les trans', j'avais déjà quelques larmes qui pointaient dans mes yeux... Alors certes, le quotidien a vite repris le dessus, emportée par la foule j'ai assuré comme une pro cette entrée d'hier après midi... J'ai pris quinze tonnes sur le râble lorsque les enfants m'ont raconté l'histoire de vie, lourde, très très lourde (note pour plus tard, c'est une évidence, on ne devient pas dément par hasard...) alors qu'ils l'avaient déjà fait deux jours plus tôt en long, en large et en travers sur la psy... Et puis j'ai retardé, retardé, retardé le moment de partir pour revenir à la clinique, comme si je voulais à tout prix éviter le passage des médecins du service alors que cette incertitude et cette attente me minent.
Mon père a été transféré hier après-midi dans le service oncologie.
C'est une nouvelle étape que je franchis, violente comme une course de haies, lestée d'un poids de 50 kg à chaque pied.
Ma nuit (beau lapsus, j'avais écrit "ma vie" initialement) fut en proie à mille rêves, ô combien symboliques... Je faisais et refaisais le lit de ma chambre d'adolescente chez mes parents, chambre que mon père s'est octroyé sans même me demander mon accord dès mon départ... et surprise, alors que je fermais les volets, je luttais contre un essaim d'abeilles accroché à l'un deux... Sans être psy, j'ai parfaitement analysé le sens de ce rêve... et c'est aussi assez violent.
Alors je ne sais pas si c'est le rythme infernal qui est le mien depuis maintenant des mois, ou simplement un coup de mou en lien avec tout ça, mais ce matin je suis épuisée, tant moralement que physiquement. J'ai le coeur au bord des lèvres, les larmes au bord des yeux... et vous n'imaginez même pas comme une épaule me manque pour venir y poser ma tête... C'est aussi dans ces moments que je repense à l'accompagnement qu'Il m'avait offert, en décembre 2009, alors que je traversais si durement des moments très proches.
Putain, la vie est vraiment une chienne... et c'est pas comme si j'entrais en période d'exam... Et il ne faudrait pas que Mme D s'éteigne aujourd'hui, je crains de ne pas avoir la force de rester professionnelle, et digne.
ps - Merci à Tous, vraiment, pour vos comm, vos mails, vos sms, vos coups de fil... Merci merci merci... Arnaud, je ne sais comment te dire merci pour la force du commentaire que tu as écrit, et je ne sais, non plus, comment t'écrire combien tes mots étaient forts, beaux, et infiniment puissants. Merci, vraiment.