Automne - 11 : Respire...

Tu crois que Papa savait ?

Je crois que j'ai passé la nuit à tourner et retourner cette question dans ma tête sans ne trouver la moindre ouverture pour avoir une réponse à cette question.

Et c'est, soulagée, que je suis montée dans la voiture pour m'éloigner, le plus vite possible, de la maison de mon enfance et de ma mère... mais mon plan d'attaque était prêt.

Un nouveau rendez-vous avait donc été programmé avec le Dr SW le jeudi 19 à 15h15... rendez-vous lors duquel Maman devait se prononcer définitivement sur oui ou non, elle s'engageait dans le protocole de chimio. Inutile de préciser que tout le temps qu'a duré le vidage de la maison, le mot chimio n'a jamais été prononcé une seule fois et que même après, il n'était pas question pour moi, d'influer de quelque façon qui soit la décision de Maman.

Les kilomètres ont permis, d'une certaine façon, de renouer peu à peu le dialogue entre elle et moi, sans que jamais cette pensée obsessionnelle d'une soeur utérine vivant quelque part ne me quitte.
Cette période m'a aussi permis de me rapprocher de façon importante de mes deux cousines, et j'ai ainsi pu obtenir sur l'un des drames de ma vie, et de ce que j'en savais.
Pour ceux qui me connaissent en vrai, chacun sait combien je pleure, depuis ma plus tendre enfance, d'être enfant unique, au motif que ma mère a fait une fausse couche après avoir été renversée accidentellement par un animal. Sa grossesse était suffisamment avancée pour que mes parents m'ait mise au courant de cette prochaine arrivée d'un petit frère ou d'une petite soeur, grossesse concomitante à celle de ma tante, ce qui explique sans doute aussi pourquoi je suis aussi proche de mon cousin.

Ma cousine m'a donc expliqué que Maman avait perdu cet enfant à la maison, et avait été hospitalisée iensuite. Que c'était un samedi puisqu'elle était venue en rentrant de l'internat et avait vu cet enfant. Elle m'a expliqué être encore marquée par la disproportion entre la tête et le corps de cet enfant, me précisant que c'était un garçon. J'avais alors 6 ans et ce souvenir, même si marqué, restait très vague pour moi. La seule chose dont je me souviens est que lorsque ma mère est rentrée de l'hôpital, j'ai appris que je n'aurai plus ce petit frère, et que je serai définitivement enfant unique. Or, par la suite, lorsque j'ai tenté d'aborder ce sujet avec Maman, il était systématiquement balayé sans réponse ou presque par Maman, ce que je n'avais jamais compris...

Cette période fut, je crois, le pire moment de toute cette période et près de deux ans plus tard, je ne m'explique toujours pas comment j'ai fait pour tenir le choc de ces révélations qui s'enquillaient, les unes après les autres, et que je m'avalais.
Il était donc convenu que je reprenne la route dans l'autre sens le mardi suivant, après le travail, pour rejoindre Maman et préparer le rendez-vous avec l'onco le jeudi. Maman ne cessait d'osciller entre oui, je choisis la chimio... non, ça ne sert à rien, plus vite ce sera fini, mieux ce sera. Et à chaque fois, la question qui tue : et toi, tu en penses quoi ?
- je n'en pense rien, Maman, c'est toi, et toi seule qui décides, mais quel que soit le choix que tu feras, je te soutiendrai et t'accompagnerai autant que je le pourrais.

J'ai négocié, pendant ce temps, avec mon employeur, du télétravail en Limousin à temps complet jusqu'à la fin de l'année, et convaincue que j'étais que Maman disparaitrait au printemps, envisageais de demander un congé proche aidant pour les mois suivants. La pro de l'organisation était en marche ; les travaux de salle de bain se profilaient, la peinture de la future chambre avançait, et surtout, surtout, je m'étais posé la dead-line du 19 novembre, au retour du rv onco, pour avoir une discussion avec Maman et lui faire "cracher le morceau".

Inutile de vous préciser le nombre de scenarii qui se sont construits dans ma tête, chaque nuit ou presque à cette fin...

Comments

[Bleck et Bleck]

Quelle histoire tout de même...



Bleck