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Sous les apparences,
21 août 2009

"Comment vont vos

"Comment vont vos hortensias?"
Interloquée je relève la tête vers votre visage masqué de vert. Je croise alors votre regard bleu acier amusé.  Un clin d'oeil , un comme celui que vous m'avez adressé il y a quelques minutes en ouvrant la porte de votre salle d'attente. Accompagné d'un doux sourire ...presque timide mais éblouissant.
Un éclair et je saisis alors ce que vous essayez de me dire.
"Comme des hortensias je suppose..." et j'ouvre à nouveau la bouche. Vos mains gantées de caoutchouc se font légères. Votre voix rassurante, quand, la fraise excitant le nerf de la molaire, fait sursauter mon corps entier.


Plus d'un mois s'était écoulé depuis notre dernière rencontre.  Par téléphone quelques jours après, nous avions eu une de ces conversations étranges qui avaient émaillé notre relation. Je t'ai écouté débiter des banalités à toute vitesse. Jamais nous n'avons abordé les éventuels sentiments qui nous animaient, jamais nous ne parlions de cette attirance physique qui nous jetait dans les bras l'un de l'autre à chaque rendez-vous. Oh bien sûr, à demi-mots murmurés pendant l'amour, à la manière dont tu entourais mes épaules pour m'étreindre au plus près quand tu jouissais,  à ma main qui caressait ta joue creuse et douce, je mesurais le respect  réciproque. Pour être claire pourtant, je ne t'aimais pas. De la tendresse oui beaucoup mais je ne m'épanouissais pas dans cette relation adultérine. Une amie m'avait dit que j'étais impressionnée par ton statut. Probablement que la petite boulotte binoclarde qui sommeille définitivement en moi n'en revenait toujours pas que tu aies posé les yeux sur elle...Qu'est ce qui t'avait poussé dans mes bras? Parfois ton regard se voilait. Une fois tu as laissé échapper une phrase suggérant que tu n'étais pas pleinement heureux. Je n'ai pas su ni voulu aller plus loin. Moi-même je n'ai rien dit de mes blessures - de toute manière tu ne m'en as jamais vraiment laissé l'occasion.
Notre relation se résume à quelques heures lumineuses volées à nos vies respectives. Une bulle aseptisée et silencieuse sous les combles de ton cabinet dentaire. Tes patients s'imaginent-ils qu'ils s'allongent sur la couche de nos ébats? Qu'ils signent leur chèque d'honoraires sur le bureau où tu m'as faite tienne la première fois?

"Vous êtes toute bronzée"
"Oui j'ai croisé le soleil cet été..."
"Le reste de la dent ce sera au prochain rendez-vous. Mais - d'un ton ennuyé  - je vais être absent 15 jours"
"C'est normal...chacun son tour...je ne reprends pas tout de suite non plus..."
"Je sais". Un autre de vos clins d'oeil.

Lors de ce dernier appel je t'ai fait comprendre que j'attendais plus - pas tout mais plus - d'une relation extra-conjugale. Gêné , tu as biaisé. J'ai su alors que c'était fini. J'en ai ressenti de la peine mais pas de celle qui vous vrille le ventre pendant des jours, non une aux couleurs de notre aventure. En demi-teinte. Parfois je passais par la colère de m'être abandonnée, parfois par l'incompréhension de tes peurs. As-tu réalisé que tu t'étais fourvoyé, as-tu eu peur de ce que tu ressentais? Je n'en sais rien. Certaines phrases en suspens me font toujours m'interroger.

"Vous prenez un autre rendez-vous?" me dit l'assistante - la joliesse incarnée.
"Oui"
"Nous partons en vacances en Tunisie...vous vous êtes coupé les cheveux?....Ca vous va bien., si vraiment!...Nous avons des amis là-bas, je vais emmener les enfants dans le désert..."avec cette impression qu'elle parle comme vous : à toute vitesse et sans écouter l'autre. Sauf qu'elle,en plus, elle ne me regarde pas.
J'abrège.
Une autre de vos patientes entre alors. Aux antipodes de ce que je suis : sophistiquée, bijoutée, respirant l'aisance financière. Vient-elle aussi avec l'idée de vous séduire? Je ferme la porte avec un sourire...Car je vous crois lorsque vous me dites que c'est la première fois qu'une telle chose arrive avec une patiente. Vous n'avez que trop conscience de ce que vous pourriez perdre. Oui je souris car ces deux femmes - dont la vôtre - aux yeux desquelles je semble invisible n'imaginent même pas un instant la relation particulière qui nous unit. Revanche cruelle de la jeune fille moquée...

Je te reverrai donc dans quelques semaines. Le tourbillon de nos vies aura repris. Je me laisserai troubler par tes mains attendant presque qu'elles se posent ailleurs qu'à l'intérieur de ma bouche. Je sais que ce rendez-vous n'amènera rien de plus. Juste qu'il me confirmera que nous resterons particulier l'un pour l'autre. Je ne te dirai pas comme cette aventure inopinée a permis de  soigner et refermer une vieille blessure purulente. Je  continuerai à te croiser au gré des bilans dentaires familiaux.

Et que vous aurez pour moi, derrière votre sourire nostalgique, un clin d'oeil amusé.Toujours.

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Commentaires
R
Mais que j'aime ce récit, ce rythme, ces mots ! J'ai bien évidemment relevé le clin d'oeil et je sais que rien n'a été laissé au hasard dans le style et l'écriture. Il aurait quand même été dommage que tu ne l'écrives pas, ce moment... Bravo Miss Papillon, et vite la suite ! D'ailleurs, t'as vu, tu en fais trembler d'émotion ma copine Jeolianne qui a l'air moins adroite de ses mains que ce dentiste...<br /> C'est quand le prochain rendez-vous ?<br /> <br /> Quoi quoi quoi ? Tu as coupé tes cheveux et tu ne m'as rien dit ? Il faut qu'on se voit, viiiiite ! ;-)
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J
Il m'a l'air vraiment habile de ses mains ce dentiste...
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J
Il m'a l'air vraiment habile de ses mains ce dentiste...
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D
Jamais avec mon dentiste!!!
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D
J'aime beaucoup ce post ... on y est aussi dans ce cabinet .. enfin moi j'y étais en tout cas... je sais pas combien m'ont suivi j'espère que c'etait pas foule parcque pour l'intimité c'est coton !!
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