Ou comment vous pourrir un 1er mai... et les semaines qui suivent
Prenez un Ado de près de quatorze ans, passionné par un sport de brute !
Prenez un tournoi traditionnel du premier mai, dans la bonne ville où une tour carrée et une tour ronde se font face et dans laquelle trône une magnifique collégiale romane.
Préparez le traditionnel sandwich au jambon, le traditionnel sandwich au saucisson, râlez lorsqu'il refusera le moindre fruit, le moindre légume. Videz votre porte monnaie pour lui trouver 5 à 6 euros afin d'acheter sa traditionnelle barquette de frites et sa traditionnelle boisson.
Conduisez votre gamin au rassemblement à 8H30 sur le stade, et laissez le là, accueilli par les cris de joie des copains, pour une journée sous le soleil à taper dans un ballon.
Passez prendre un thé et papoter longuement chez votre copine, puis en bonne mère que vous êtes, décidez d'aller voir votre rejeton sur le coup de 14 heures. Là, dirigez vous vers les maillots rouges que vous voyez au loin, tentez de reluquer une tête abondamment frisée (ce gamin est un mystère, jusqu'à l'adolescence, il avait mes cheveux, raides comme la justice, et le voici à présent frisé comme un mouton. De la même façon, autant il pouvait avoir les yeux noirs, autant ses yeux s'éclaircissent... J'ai enfanté d'un gremlins ???).
Vous ne trouverez pas la tête frisée sur le terrain, et alors que vos pas s'approchent, le soigneur de l'équipe (le mec qui habitait au dessus de chez vous lorsque vous étiez étudiante... ahem) se dirige vers vous et vous annonce. Gregoire n'est pas sur le terrain, Sylvestre et Lucas l'ont porté sous la douche.
Votre sang ne fait donc plus qu'un tour...
Porté ?
Parce qu'il ne marchait pas ?
Kessssskisssspaaaassss ?????
Euh, non, rien de grave ; en fait il a eu un accident ce matin, il n'a pas voulu qu'on vous appelle parce qu'il a dit que ça lui était déjà arrivé, que ça allait passer, mais en fait, ça passe pas, sa cheville est très enflée, alors on s'est un peu fâchés et il est parti sous la douche. Je m'apprêtais à t'appeler. Faut l'amener au CHU...
Tu te diriges à ton tour vers la douche, tu vois ton gars sortir à cloche pied... le visage émacié de douleur. Alors que tu te proposes de voir la cheville, il te renvoie balader avec un délicat putain... et un ton sur lequel tu comprends qu'il est agacé le garçon. Tu lui rappelles deux trois trucs, comme au hasard que t'es sa mère et que mal ou pas mal, il te parle plus doux, ok ?
Et sur l'air de Marchais "Josiane, on fait les valises", tu dis au Parfait : Go, direction le CHU... Pas d'bol, il venait d'ouvrir son journal (de voitures anciennes, of course, rêve pas !)
Entre deux, tu passes un coup de fil au toubib pour lui dire merde ! tu pouvais pas commencer ton rempla un mois plus tôt, j'fais quoi ? Et il te répond : GLAAAAACE (comme s'il y avait des puits de glace sur les terrains de rugby) GLAAAAACE et GLAAAAACE et HME, radio ! Pas de plâtre, surtout pas de plâte, de la kiné, de la kiné, de la kiné...
Tu te tapes à nouveau les 30 kilomètres que tu viens de te fader dans l'autre sens, mais cette fois avec un Ado grimaçant et cachant ses larmes (dépit ? douleur ? tu sais pas, et t'oses même pas poser la question...). Tu passes à la maison prendre les cannes anglaises de la dernière fois (à la quatrième entorse, en même temps, t'es blindée côté organisation), tu fais changer l'Ado de voiture pour prendre la tienne et direction le HME et la radio.
Belle entorse te dira l'interne (sur le ton du mec qui s'y connaît), se tourne vers lui, navré (il l'a reconnu, c'est lui qui lui avait immobilisé l'épaule en décembre dernier) le regarde et lui dit : Trois semaines de plâtre, un mois et demi sans sport, au minimum. Et là, tu vois ton gamin (qui luttait depuis plus d'une heure pour retenir ses larmes) tourner la tête de l'autre côté, et s'essuyer rapidement les yeux. Toi, de ton côté, t'es devenue muette, et résonne encore dans ta tête, pas de plâtre, surtout pas de plâtre, de la kiné, de la kiné de la kiné. Mais t'es comme une conne, y'a pas un mot qui sort de ta bouche (oui, je sais les copains, c'est rare ! ça va hein !!!!). Le toubib sort, et tu vois ton grand gaillard (oui, ça y est, le centimètre qui vous distançait vient de se faire la malle comme par enchantement) tout lâcher, laisser les larmes couler presqu'en s'excusant de pleurer (ce à quoi tu lui rappelles, rapidos, qu'un homme, ça pleure, mon fils quand ça va pas, ça pleure, et ceux qui disent le contraire sont des gros cons, pleure un bon coup tu pisseras moins ça soulage. Il pose alors sa tête contre moi (alleluia, y'a watt mille ans que c'était pas arrivé, un élan pareil !!!! encore encore encore, ahem...) et il me dit, sur le ton du désespoir : je vais rater tous les gros tournois de la fin de la saison, c'est la cata, Maman. C'est le pire moment de la saison pour se blesser, c'est le pire moment de ma vie...
Alors toi aussi tu ravales les deux larmes qui commençaient à perler sur le coin intérieur de tes yeux, et tu lui dis que c'est pas grave, que tu iras quand même aux tournois, même si tu ne joues pas.
Tu le vois ravaler une nouvelle fois ses larmes lorsqu'ils positionnent sa cheville à 90° avant de la plâtrer, cambré par la douleur. Puis tu repars, les bras encombrés de documents divers et variés, dans ta tête résonne toujours "Pas de plâtre, surtout pas de plâte, de la kiné, de la kiné, de la
kiné..." AHEM... Tu le déposes à la maison avant d'aller à la pharmacie, (il se précipite sur le calendrier des rencontres et pousse un hurlement digne de n'importe quel film d'épouvante au travers duquel tu comprends que même Balma, il pourra pas le jouer...) puis tu te mets en quête d'une infirmière qui viendra lui faire ses piqûres d'anti-coagulants quotidiennes... et tu lui expliques que naaaaaan, ça fait pas mal les piqûres dans l'ventre ! Promis juré craché !!!
L'a une drôle de forme, cette année, le muguet !
Et quand tu rentres de la pharmacie, devine ce qu'il est en train de faire, l'Ado, DEVVVIIIINNNEEEE...
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