"J'ai oublié de te dire"

J'avais vu la bande annonce. Ouais, bof.

Ma copine Flotte avait parlé, brièvement, du tournage auquel elle avait participé, mais ça, je n'y ai pensé qu'en sortant du ciné. J'avais oublié.
D'ailleurs, je n'aurais jamais imaginé me prendre une émotion pareille, un pareil coup derrière les oreilles, j'y allais uniquement pour le côté "professionnel" du truc... le vieux monsieur est atteint de démence. Les critiques ne sont pas bonnes, je suis incapable de savoir si c'est un bon ou un mauvais film, je ne sais d'ailleurs même pas si je l'ai aimé, ou au contraire détesté ce film. De toutes façons, j'ai l'impression de ne pas l'avoir suivi, de n'avoir vu qu'une juxtaposition de plans, les uns derrière les autres.
Dès le début, lorsque j'ai vu le remerciement à Cali pour sa participation, j'me suis dit "tiens, il doit y avoir des scènes tournées dans les PO" et j'ai pensé, chouette ! En fait, non, pas des scènes, l'ensemble du film a été tourné là, et la langue catalane est très présente.

Les cerises de Céret, les abricots, les vendanges, les ruelles de Perpi, le lac des Bouillouses, puis puis puis... un zoom sur LA place où nous avions mangé notre première crêpe, dégueu, ce lundi après midi, notre première balade, nos premières photos de vacances.

La première larme a tracé son sillon à la vue du clocher de Collioure. La deuxième, dans la ruelle de Collioure reconnue, la troisième à la vue du port... et les autres ont suivi, impossible de les contenir, impossible de penser à autre chose. Deux choix, partir ou rester. Mais tétanisée, je ne pouvais quitter cette salle, hypnotisée par les images, tétanisée par mes souvenirs. Les sanglots redoublaient, impossible de les contenir. Tout, absolument tout me ramenait à sa vie : le père d'Omar Sharif était directeur d'école comme son père à Elle, Marquixanes (là où Elle a rencontré et aimé Martin, son fiancé, mort à 25 ans) et là où il repose, où Elle ne pouvait plus aller sans vider toutes les larmes de son corps, même à 80 ans passés ; Vinça (dont Gérard a été maire pendant longtemps), Médipôle (la clinique de Cabes...), le lac des Bouillouses, et tant et tant de lieux que je prévoyais de lui montrer, dès notre deuxième séjour qui n'aura jamais lieu...

Et puis chaque instant de ces cinq jours d'agonie m'est revenu en pleine poire. Ces jours d'un côté si difficiles à vivre, si inhumains et de l'autre, ces jours emplis de belles certitudes, de jolies et douces promesses. Le grand écart des souvenirs.

L'apothéose fut sans doute la dernière image du film... Combien de fois y ai-je pensé, ce mercredi soir, alors que nous lui caressions chacun une main et que sa respiration était si difficile. Ces dernières secondes du film, ce moment où elle lui dit combien elle l'aime en le serrant si fort entre ses bras, après lui avoir administré ce breuvage mortel en pleurant tout son saoul.

Toute à dire je t'aime à un autre qu'Elle, je n'ai pas osé lui dire à Elle, dans son inconscience, avant de repartir. Et même si je l'ai murmuré dans un sanglot, en me penchant sur son cercueil, le 15 décembre à 15H15, quelques minutes avant la crémation, j'ai toujours ce regret au fond de moi.

Beaucoup de choses remontent en moi ces temps-ci. Une certaine façon de faire le deuil de tout ça sans doute, mais cet après midi, c'était particulièrement violent et insupportable...

Comments

[RdT]

=> Drine
Pour ne rien te cacher, je n'arrive toujours pas à isoler ce qui m'a provoqué cette trèèèèèèèèèès violente crise de larmes, mais je te dis pas l'état de mes yeux ce matin... alors que j'ai un rendez vous dans une heure pour un stage...
Ahem... maquillons, maquillons.

[Drine]

Lorsque les images nous rament dans un passé heureux il est toujours difficile d'y faire face ... mais il est tellement bon de laisser couler ses larmes .. tellement apaisant ....