Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sous les apparences,
13 octobre 2011

Papa,

Lorsque je suis née tu ne m'attendais pas, tu voulais un garçon. J'avais sans doute déjà pris de ton côté taquin, toi qui aimais tant plaisanter. Alors pour me venger, je t'ai fait passer plein de nuits blanches, pendant trois ans.
Puis c'est sur tes genoux que j'ai commencé à apprendre à lire, et nous avons partagé ce goût de la lecture. Je sais combien tu souffrais depuis le début de ta maladie de ne plus pouvoir lire, ou plutôt, de ne plus réussir à retenir ce que tu lisais.

Tu me parlais souvent de ta Maman, dont il semblerait que j'aie hérité de quelques traits du visage, de son caractère joyeux et convivial, n'étant contente que lorsqu'elle avait du monde chez elle. Quelle fierté lorsque Simone ou toi me disiez ça tant je sais combien tu l'as aimée, et jusqu'à ton dernier souffle.

Mais moi je sais que c'est Maman et toi qui m'avez transmis ce sens de l'Autre : la porte du N. était toujours ouverte pour qui passait par là. Le N., là où tu es né, là où tu as travaillé, durement, là où la vie t'a quitté en ce dimanche soir. Le N., tes racines. Cette terre à laquelle tu étais viscéralement attaché, le berceau de notre famille, là où tu m'as appris le sens du mot travail, parfois durement, parfois à 3 heures du matin, dans un pré, lorsque l'orage grondait au loin, là où tu m'as inculqué que rien ne tombait du ciel, que tout se gagnait à la sueur de son front, que l'argent économisé était le premier gagné.

Tu m'as appris ce que voulait dire le mot respect, tu m'as démontré l'importance de ne toujours compter que sur soi, de ne pas avoir à dépendre des autres. Et pourtant, dans le même temps, tu m'as toujours dit que seul on n'était rien, que l'amitié et la solidarité n'étaient pas des mots vains. Je crois qu'au fond tu étais un vrai généreux, un vrai philanthrope.
Tu as forgé le socle de toutes ces valeurs que je m'efforce de transmettre à mon tour à G, comme tu me les as transmises.

Bien sûr nous eûmes des orages toi et moi, parfois à fortes décharges électriques et émotionnelles, mais Maman a toujours dit que nous avions le même caractère. Mais c'est aussi ce caractère qui t'a fait nous préserver pendant ces dernières semaines : jamais tu ne t'es plaint ; jamais tu n'as fait montre de la moindre impatience, du moindre ras-le-bol. Tout au plus, vendredi, m'as-tu dit ton inquiétude de ne plus y arriver à la maison, que ton état devenait trop lourd. Mais vendredi, alors que nous discutions pour la dernière fois, tu m'as dit aussi à ta façon, avec cette pudeur bien à toi et teintée d'humour, combien tu étais heureux de ce chemin que nous poursuivions, D et moi, de cet avenir que nous construisions pour G, ton "Pitinou".

Aujourd'hui Papa c'est difficile. Difficile car depuis toujours tu me tiens la main, tu me regardes du coin de l'oeil, approuvant ou désapprouvant mes pas.
Je ne parviens pas à concevoir que ce puisse être fini, que maintenant tu ne vas plus vivre que dans ma tête et dans mon coeur, que cette lumière qui m'ouvrait la voie, qui me guidait souvent de façon invisible ne sera plus, que ce rocher sur lequel je prenais appui pour observer l'horizon de la vie a été englouti.

Mais qu'est-ce que tu vas me manquer, Papa...

Publicité
Publicité
Commentaires
A
JE n'ai plus beaucoup de temps de lire les blogs ces temps et je n'apprends qu'aujourd'hui que ton père est parti. Je pense bien fort à toi en espérant que tu vas aussi bien que tu le peux.
Répondre
L
Que tes mots résonnent en moi... Voilà presque vingt ans que mon papa n'est plus là et ton émotion est encore et toujours la mienne. Intacte. Parce qu' a contrario de toi je ne les ai jamais dits ni jamais écrits ces mots que toi, tu écris si bien...<br /> Après ça il n'y a rien à dire, sauf que cette plaie là ne se referme jamais. Elle cicatrise sur les bords mais... <br /> Oui le temps fait son travail, oui au fil des jours, des mois, des années la douleur s'estompe et heureusement... Mais la brèche est là. insidieuse. <br /> C'est complétement normal de survivre à ses parents, mais ce n'est pas pour ça que c'est facile et surtout je pense qu'après on n'est plus jamais la (le) même. Surtout quand une fille perd son père ou un garçon sa mère.<br /> <br /> Tu es très courageuse, tu l'as souvent montré alors une fois de plus, prend la vie qui arrive à pleine dents, les tiens ont besoin que tu sois forte et que tu vives encore plus intensément qu'avant. C'est certainement ce qu'il aura voulu que tu fasses. <br /> Fais aussi attention à ta maman. <br /> Je t'embrasse très sincèrement.<br /> la bru
Répondre
4
Les mots d'une fille à son père, des mots qui coupent la voix, étreignent la gorge et provoquent des frissons dans le dos. De ceux qui scellent avec tendresse un chapitre de ta vie; les mêmes qui en ouvrent un nouveau.<br /> <br /> Tu vas devoir apprendre à vivre sans, faudra changer tes repères et redistribuer les cartes mais ça se fait, petit à petit, presque sans en avoir conscience. <br /> Au début tu te forces à te bouger mais ensuite la vie reprend son cours, froidement, inexorablement : la réunion des profs pour l'ado, les rdv chez le dentiste ou encore le connard du boulot qui ne comprend décidément rien à rien. Tous ces p'tits trucs de la vie courante qui font qu'on relève la tête et qu'on fini par regarder devant. Et heureusement, parce que la vie reste pleine de promesses, parce que continuer n'est pas oublier. <br /> <br /> Apprivoiser l'absence, c'est comme ça que ça doit se passer. Alors ce ne sera pas facile, bien des étapes vont encore te bouleverser : trier ses affaires par exemple ou encore te lancer dans les papiers de la succession. Il te faudra les passer les unes après les autres mais avec le courage et la détermination que l'on te connait, tu feras front assurément. <br /> Et dans les moments de doute, souviens-toi que tu as cette force en toi et qu'avec le temps la douleur s'estompe, c'est un des miracles de la vie. "Après" le plaisir et la joie s'inviteront à nouveau dans ta vie.<br /> <br /> Et plus tard quand face à toi même, tes pensées te porteront aux portes de la mélancolie, tu te surprendras à les apprécier ces instants, peut-être même à les rechercher. Et si alors quelques larmes coulent sur tes joues, tu comprendras qu'elles peuvent aussi être source de bien être.<br /> <br /> A bientôt, je t'embrasse.
Répondre
P
Quand le cœur parle, le silence, par respect, s'impose !
Répondre
D
Magnifique hommage d'une fille à son père.<br /> Tant que tu penseras et parleras de lui ,tu continueras à le faire vivre .<br /> Dis toi bien que dans les moments difficiles,cette petite lueur qui te guidera hé ben ça sera lui.<br /> je t'embrasse
Répondre
Sous les apparences,
Publicité
Sous les apparences,
Derniers commentaires
Publicité