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Sous les apparences,
23 juin 2009

le coup de foudre 1

Comme chaque jour depuis qu’il avait entamé les foins dans les parcelles « du haut »,

au terme d’une journée bien remplie , il prenait le chemin du bois pour rentrer.

Malgré l’heure tardive, la chaleur brûlait toujours! Il appréciait l'impression de

fraîcheur qu'il ressentait au milieu des arbres que l'ombre avait protégé des excès de

l'astre solaire. Il était encore enivré de l’odeur de l’herbe sèche. Sa peau était couverte

de poussière collée par la sueur qu'une douche chasserait bientôt. Il aimait ce

moment où il rentrerait. Il allait se détendre, manger avant de se coucher. Il savourait

cet instant , satisfait du travail bien fait.

Chaque soir depuis une semaine, il la croisait sur son chemin ! Elle portait la tenue

réglementaire de parfaite cycliste tout terrain ! Elle montait la côte, appuyant avec

vigueur sur les pédales… Ses mollets dessinaient de fines courbes , aux formes

parfaites, muscles tendus et délicieusement saillant dans l’effort ! Cela lui rappelait

les jambes de mannequins mises en valeur par de hauts talons. Lorsqu’il la croisait ,

ils échangeaient un regard ! Le casque réglementaire lui cachait une partie du visage

mais il devinait ses yeux malgré les lunettes teintées! De beaux yeux bleus, clairs et

profonds, dans lesquels il plongeait l’espace d’un instant! De chaque côté du couvre

chef, jaillissaient des boucles blondes, éparses, éclatantes !

Le premier jour, il s’était juste dit que sur ce chemin si souvent emprunté, où il ne

croisait habituellement que lapins, lièvres ou perdrix, cette jeune femme sur son VTT

faisait l’effet d’une apparition. L' improbable fait chair. Furtive et vite évanouie, il n' avait pas attaché d'importance à cette rencontre. Il avait appris à ses dépends qu'un

tracteur n'attire pas l'attention mais plutôt la défiance ! Depuis une quinzaine

d'années, l'image de sa profession s'était détériorée. Les filles fuyaient la campagne,

rejetant l'idée de s'attacher à ces bagnards de la terre qui n'avaient d'autres

perspectives que le labeur avant tout. Elles rêvaient de liberté, de magasins, de

sorties...

Les jours suivants, il lui avait porté un intérêt plus affirmé ! Croiser, même un instant,

une belle femme n'était pas anodin ! Depuis qu'il avait commencé les foins, il partait

le matin vers 7 heures. Il redescendait manger à midi, seul, depuis la retraite de ses

parents. Puis il retournait à son travail ! Son unique lien avec le monde des humains

passait par son téléphone portable. Mais entre le bruit du tracteur et le coût des

communications, il en réservait l'usage à des appels strictement professionnels. A

l'approche de la cycliste, il ralentissait son tracteur , allant jusqu’à quasiment se garer

pour la laisser passer… En réalité, même s’il ne l’admettait pas , c'était un prétexte

comme pour tenter de ralentir le temps ! Il aurait voulu que ce moment où les yeux

se croisent devienne éternité ! En plein effort, elle faisait un mouvement de la tête qu'

il ne savait comment interpréter, esquisse d’un sourire ou un rictus de douleur dans

ce long faux plat montant ?

Le quatrième jour, il ne la croisa pas, il était en retard, il vit sa silhouette s’évanouir

derrière les arbres du bois bordant le virage plus haut … Il se sentit déçu ! Il avait le

sentiment d’ avoir manqué plus qu'une distraction, la seule attraction qui vienne

troubler la solitude de son travail quotidien !

Le cinquième et sixième jour, il s’organisa différemment ! Il s’arrangea pour terminer

son travail dans une partie de la parcelle d'où il puisse guetter le début du chemin en

contrebas au bord de la route ! Ensuite, il lui suffisait d’abandonner son labeur et de

vite prendre le chemin ! Il avait nettoyé et remis en place les rétroviseurs de façon à

prolonger l' instant du mirage sans se retourner. Il se sentait bien un peu coupable de

reporter au lendemain la fin de son travail ! Qu'en aurait pensé son père ? Pour se

donner bonne conscience, il évoquait les prévisions météorologiques favorables et

stables…

Il n’osait pas se l’avouer, il se sentait maintenant attiré par cette jeune femme blonde.

Il y avait une multitude de chemins possibles dans la région, elle aurait pu changer

d'itinéraire ou d’horaire. Mais elle était là, ponctuelle chaque jour. Il se mit à espérer

secrètement qu’elle l’avait remarqué, que cette régularité n'était pas fortuite… Il se

surprit à échafauder des plans pour qu’elle s’arrête. Ce regard furtif échangé à

travers les vitres poussiéreuses d’un tracteur le déconcertait. Il voulait plus. Il n’osait

se l’avouer mais il se haïssait de son statut d'agriculteur. Il alla même jusqu'à se

demander si au lieu de son tracteur, il n'aurait pas plus de chance avec une machine

rutilante comme une moto ou un Quad pour attirer son attention ! Se crée t'on une

apparence ?

Il se sentait seul, de plus en plus seul, en pensant à cette belle cycliste. Son image le

taraudait tout au long de la journée. Toutes ces journées, perdu au milieu de la mer

verte qui l’entourait , n’étaient pas propices à la rencontre. Ce sixième jour, dans son

lit tard le soir, il prit une résolution. Il se trouvait ridicule de se monter la tête tout

seul. Après tout quoi de plus normal que de faire un tour en vélo au moment où on

retrouve un peu de fraîcheur le soir en juillet ! Il fantasmait. Avec fatalisme, il se

convainquis qu'elle ne l’avait pas remarqué. De toute façon, son travail de fenaison

dans ces parcelles se terminerait demain en milieu d’après midi si tout allait bien.

Ensuite, il changeait de lieu de chantier et ne prendrait plus ce chemin chaque soir !

Fort de la certitude qu’il n’y aurait plus de rencontre, il s’endormit, un peu triste

toutefois.

Le septième jour, il se hâta d'entamer la phase finale de la récolte ! Le changement

météo était évident. Dès le milieu de matinée, les prémices d'une évolution orageuse

devinrent visibles ! Il ne lui restait pas une grande surface à ramasser. Il mangea plus

tôt, partit plus tôt ! Son but était de terminer pour le milieu d'après midi avant

l'arrivée des orages ! Il se sentait bien à nouveau, décidé à rester concentré sur son

seul objectif de travail... Pas question de se laisser divertir en quoi que ce soit...

L'atmosphère se chargeait , d'heure en heure. L'humidité , devenait moins

supportable ! Fatigué par ces journées de travail cumulées, impatient de terminer, il

voulu accélérer le rythme. Il passa la vitesse supérieure. Mais les machines ont une

limite, la franchir occasionne des casses ! Une soudure lâcha, le contraignant à

abandonner provisoirement son chantier pour aller chez le réparateur de matériel à

15 km. Le temps du trajet, le temps de réparer et de revenir, ce n'est que vers le

milieu d'après midi qu'il put reprendre ! Il avait perdu plus de trois heures ! Il se

promit de ne plus vouloir forcer le destin, même s'il est dur d'admettre que l'on ne

peut pas en être maître !

La menace nuageuse était maintenant précise même si sa progression avait été plus

lente que prévue. Au sud-ouest, l'azur avait fait place à une couleur noire, sans

équivoque sur ce qui se préparait. Il avait bien avancé mais il se savait à la merci de

ce nuage de plus en plus menaçant. Lorsqu'il basculera par dessus la colline d'en

face, il devrait décrocher et se replier le plus vite possible vers l'ancienne bergerie,

cent mètres à gauche à l'orée du bois de l'autre côté du chemin. Il pourrait mettre son

matériel à l'abri et attendre ensuite sagement que les éléments se calment ! Un oeil à

sa conduite, l'autre rivé à la colline, espérant que la nature lui accorderait le répit

nécessaire à l'achèvement de son chantier, il travaillait... A chaque décharge

électrique, l'autoradio craquait, ne laissant aucun doute sur l'imminence et la

proximité de l'orage. Brutalement, le rideau d'eau déversé par le cumulo-nimbus

franchit la crête. Le sort en était jeté. Dépité, il se précipita replier son outil, remonta

sur son tracteur et se dirigea vivement vers le chemin pour rejoindre son refuge. Le

vent très violent qui précède la pluie se leva, accélérant l'arrivée de la trombe d'eau

qu'il voyait progresser vers lui à une vitesse qui l'impressionna. Le noir virait au

jaune, rien de bon... La fin de la récolte sera perdue.

Un instant, plus bas sur le chemin, il aperçu la silhouette de la cycliste, déjà engagée

dans la longue montée...

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Commentaires
M
C'EST MARRANT... en commençant à lire j'avais pas encore vu le signataire, et je me disais, on dirait la vie de PH... :-))<br /> donc tu vois, Rdt, PH ici, c'est normal et fluide
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D
Ben non .. t'es sa marraine quand meme !!! <br /> Pis j'me dis que si PH veut parler de choses plus ... légères sur son blog c'est quand meme bien difficile .... <br /> Allez 'EEERRDDDEEE LA SUITE MAIN'NANT !! ;)
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R
Moi je suis amusée car personne ne s'est étonné de la présence de PH en ces lieux, PERSONNE !! Incredible !<br /> Bienvenue, PH, en tous cas... sourire
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D
De la belle écriture! Du vécu? On ressent tellement l'émotion....
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J
J'aime le style. Et je suis moi aussi impatiente de connaitre la suite.
Répondre
Sous les apparences,
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