L'automne - 4 ou Joyeux Zanniversaire !

Nous sommes donc le mardi 13 octobre, il doit être aux alentours de 22 heures et je viens d'arriver dans cette immense maison de quatre niveaux où la seule âme qui vive est Filou, le vieux chat qui a débarqué quelques jours après le décès de mon père, comme s'il avait senti qu'il fallait sortir de la vie sauvage pour venir tenir compagnie à une pas si vieille dame que ça qui venait de perdre son compagnon de 46 ans de vie.

J'avoue que glisser ma clé dans la serrure a nécessité une grande inspiration de ma part, et tourner la poignée une peut être plus grande encore. Cette maison, si vivante d'ordinaire, se trouve plongée dans un silence assourdissant. Mais qu'importe, je sentais, déjà, qu'il me faudrait des tonnes de courage pour affronter les événements, les uns après les autres, et c'était là la première marche. La nuit n'a pas été si terrible que ça, en dépit des sursauts réguliers générés par ce trop grand silence et cette peur, phobique, des araignées qui peuplent une si grande et vieille  maison à la campagne.

Je vous passerai les détails mais finalement je suis allée récupérer Maman à la clinique le vendredi à 12 heures après m'être un peu fâchée au motif qu'elle attendait toujours sa biopsie, sans la moindre indication de date, et commençait doucement à déprimer.

L'avantage de bosser dans la FPT c'est que tu as des congés pour... à peu près tout. Maman était hospitalisée, j'avais droit à cinq jours par hospitalisation. J'ai donc posé le jeudi après-midi pour aller chez le coiffeur m'occuper un peu de moi, et le vendredi matin pour me renseigner, au cas où, pour les aides potentielles d'aménagement du logement pour une dépendance à venir.
Même si je n'étais pas spécialement anxieuse à l'idée du diagnostic selon mon bon vieux précepte qu'on ne pleure pas avant d'avoir mal, il n'empêche qu'au fond de moi, mon intuition devait me titiller.

Maman est donc sortie le vendredi, et je l'ai reconduite à la clinique la semaine suivante, la biopsie étant programmée au 21 octobre. Je partageais donc mon temps entre le télétravail en Limousin, les visites et allers-retours à la clinique, et l'anticipation d'un après de façon totalement inconsciente.

Le vendredi 23 octobre, je sors donc à nouveau Maman de la Clinique et récupère le compte rendu de l'IRM que je ne regarde pas immédiatement. Pour rappel, il faut savoir que j'ai appris que mon père, alors hospitalisé pour une vive douleur à l'épaule, souffrait en fait d'un néo pulmonaire avec extensions osseuses, tout à fait par hasard, en parcourant un compte rendu d'IRM qui traînait négligemment sur un adaptable sans la chambre de la même clinique. Je n'ai eu que le temps de fuir la chambre pour m'écrouler, dans le sens premier comme dans le sens second du terme, dans le bureau des infirmières tant j'étais à mille lieues d'un tel diagnostic, qui a entraîné sa mort cinq mois plus tard.

J'attends donc d'être seule et ouvre la chemise de l'IRM et lit : "le foie est le siège d'innombrables lésions secondaires infiltrant" je ne sais plus quoi puisque cette phrase s'est irrémédiablement inscrite dans mon cerveau, comme celle-ci "le pancréas est le siège de formations kystiques céphaliques et isthmiques mesusant toutes deux 18 mm de diamètre ; pas de dilatation du canal pancréatique principal".

Sincèrement je ne savais pas précisément ce que je devais comprendre, sauf qu'à l'inverse de ce qui m'avait été annoncé, le pancréas était bien touché et tout cela ne sentait pas très bon. Un rapide échange avec la fille de l'homme dont je partage la vie et qui est interne m'a confirmé que ça puait, même s'il fallait attendre d'en savoir un peu plus avec les résultats de la biopsie qui sont tombés, eux, le 30 octobre, lorsque mon téléphone a sonné et que j'ai vu s'afficher le numéro de la clinique. Le médecin m'annonçait que : "Le pronostic est très sombre : votre maman souffre d'un cancer du pancréas avec des métastases hépatiques. Pouvez-vous vous libérer ? Je prévois une consultation d'annonce lundi 2 novembre à 13h30, pourrez-vous l'accompagner ?".

Une fois encore, tu avales ta salives et tu dis que oui, que tu vas t'organiser... puisqu'entre temps, j'étais évidemment revenue dans mon Sud histoire de refaire un peu de présentiel et de gérer les affaires courantes en pleine période budgétaire.

Et pour ceux qui ne le savent pas, je suis née le 1er novembre... Joyeux anniversaire, RdT !